Face à la recrudescence des cas de violences conjugales répétées, le système judiciaire français renforce son arsenal pour lutter contre ce fléau. Quelles sont les nouvelles mesures mises en place pour prévenir et sanctionner la récidive ?
Un cadre légal renforcé pour prévenir la récidive
La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a considérablement durci l’arsenal juridique. Désormais, les antécédents de violences sont systématiquement pris en compte par les magistrats. Le bracelet anti-rapprochement peut être imposé dès la première condamnation, même avec sursis. Cette mesure permet de géolocaliser l’auteur et d’alerter la victime en cas de proximité.
Le suivi socio-judiciaire, auparavant réservé aux infractions sexuelles, s’applique maintenant aux violences conjugales. Il impose un accompagnement et des soins au condamné, sous peine d’emprisonnement. Les stages de responsabilisation pour les auteurs se généralisent, visant à prévenir la récidive par une prise de conscience.
Des peines alourdies en cas de réitération
Le Code pénal prévoit désormais une aggravation systématique des peines en cas de récidive de violences conjugales. Les peines maximales sont doublées, pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours.
La révocation du sursis est quasi-automatique en cas de nouvelle condamnation. Les aménagements de peine sont plus difficiles à obtenir pour les récidivistes. La période de sûreté, interdisant toute libération anticipée, peut être prononcée même pour des peines inférieures à 10 ans.
Un suivi renforcé des auteurs après leur condamnation
Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) intègre désormais les condamnés pour violences conjugales. Ils doivent justifier régulièrement de leur adresse, sous peine de 2 ans d’emprisonnement.
Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont développé des programmes spécifiques pour le suivi des auteurs de violences conjugales. Ces suivis intensifs visent à prévenir la récidive par un accompagnement psycho-social et un contrôle accru.
La justice restaurative se développe, permettant des rencontres encadrées entre auteurs et victimes (pas nécessairement les leurs) pour favoriser la prise de conscience et réduire le risque de récidive.
Une meilleure protection des victimes face au risque de récidive
L’ordonnance de protection peut désormais être délivrée en 6 jours et durer 6 mois. Elle permet d’éloigner l’auteur présumé avant même une condamnation, s’il existe des raisons sérieuses de craindre de nouvelles violences.
Le téléphone grave danger est plus largement attribué, permettant aux victimes d’alerter rapidement les forces de l’ordre en cas de danger imminent. Son attribution est quasi-systématique pour les auteurs récidivistes en liberté.
Les associations d’aide aux victimes bénéficient de moyens renforcés pour accompagner les victimes tout au long de la procédure et les aider à se reconstruire, réduisant ainsi le risque qu’elles retournent vers leur agresseur.
Des défis persistants dans la lutte contre la récidive
Malgré ces avancées, des obstacles demeurent. La surpopulation carcérale complique l’application effective des peines d’emprisonnement. Les moyens de la justice restent insuffisants pour assurer un suivi optimal des auteurs et une protection efficace des victimes.
La formation des professionnels (policiers, magistrats, travailleurs sociaux) doit encore être améliorée pour mieux détecter et prendre en charge les situations à risque de récidive. La coordination entre les différents acteurs (justice, police, associations) reste un défi majeur pour une prévention efficace.
Enfin, la lutte contre la récidive ne peut se limiter à la réponse pénale. Un travail de fond sur les stéréotypes de genre et l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge est nécessaire pour s’attaquer aux racines du problème.
Le traitement juridique de la récidive en matière de violences conjugales s’est considérablement renforcé ces dernières années. Entre durcissement des peines, meilleur suivi des auteurs et protection accrue des victimes, l’arsenal juridique s’étoffe. Mais la persistance du phénomène montre que la réponse pénale seule ne suffit pas. Une approche globale, alliant prévention, éducation et accompagnement, reste indispensable pour espérer venir à bout de ce fléau sociétal.